Collectif de démarrage

Le collectif de démarrage représente davantage une phase incontournable dans la vie d’une coopérative qu’un modèle d’organisation en tant que tel. Durant cette phase, tout est à apprendre et à coconstruire. Les membres naviguent dans un certain flou et expérimentent plusieurs manières de fonctionner avant de clarifier un modèle d’organisation qui leur correspond.

On le repère souvent au moment du démarrage d’une coopérative, alors qu’un petit groupe se rassemble autour d’un projet commun. Il se peut également qu’une coopérative en activité repasse par cette étape, pour se solidifier et repenser son fonctionnement par rapport à des changements ou aux nouveaux défis rencontrés.

Les informations suivantes sont le fruit des échanges que nous avons eus dans le cadre du projet de recherche avec quelques coopératives en collectif de démarrage, mais aussi avec d’autres coopératives qui se rappelaient leurs débuts, et donc leur passage par cette phase.

Le profil des coops en collectif de démarrage

  • Des coops très jeunes (moins de 3 ans*)
  • Des coops très petites (environ 3 membres*)
  • Des membres aux profils complémentaires, qui ont un élan pour le travail collectif et la mutualisation mais peuvent avoir des activités autonomes ou en silo

* Ces données sont issues d’un sondage du Réseau COOP réalisé en 2022.

L’émergence du projet entrepreneurial et le partage de valeurs

Que ce soient des pigistes indépendant·es ou des ami·es de longue date, le collectif se rassemble non seulement autour d’un projet d’affaire, mais également autour de valeurs partagées qui sont au cœur de la coopérative.

« Au début de tout ça, on était deux pigistes qui avions chacune nos contrats et on a proposé à un de nos clients d’avoir, pour le même tarif, deux cerveaux au lieu d’un seul. […] On s’engageait mutuellement pour les mandats de l’autre, donc c’était juste normal qu’on se mette à travailler ensemble. » Coop en communication et design

« C’est un projet d’affaires qui s’est monté super rapidement. On avait une émission de radio qui jouait à l’Université Laval […] et à un moment donné on a eu l’idée folle de l’amener à la télé. On est allés rencontrer des diffuseurs et on est sortis avec une licence. On avait deux mois pour que l’émission joue à la télé, mais on avait zéro équipement, on n’avait rien. » Coop en média et production vidéo

« On est 5 cofondatrices. À la base, c’est une personne qui faisait du marketing, et qui se retrouvait souvent à avoir des besoins en design, en vidéo. Elle nous a un peu toutes mises ensemble autour de l’idée d’être 360, que l’on puisse produire nous-mêmes, qu’on puisse offrir des services de production de contenu, en plus du marketing. » Coop en communication et design

« Il y a un groupe de personnes de la région qui se sont rassemblées ensemble autour d’un café spectacle et ils avaient l’idée de construire une bâtisse pour pouvoir accueillir des gens à cet endroit là. On ne savait pas trop dans quoi on s’enlignait. » Coop en commerce, restauration, hôtellerie

« C’étaient quatre amis du secondaire/cégep qui voulaient faire un projet de récréo ensemble. […] Ils n’avaient pas nécessairement fait ça pour la postérité, ils l’avaient fait parce qu’ils voulaient triper. Ils n’avaient pas de véhicule, ils ont pris ce véhicule parce qu’ils croyaient vraiment au modèle coopératif. » Coop en architecture, design et aménagement

« On a commencé avec un petit noyau qui se connaissait, mais on a aussi lancé un événement grand public à tous les spécialistes qui s’intéressaient à la question. On a ramassé des gens qu’on ne connaissait pas du tout, mais il y avait assez de choses en commun, d’intentions communes pour que ça fonctionne. » Coop en architecture, design et aménagement

« Le but de cette coop, c’était vraiment de créer un espace de création partagé. […] Et quand on a visité des endroits pour s’engager dans des espaces qui existaient déjà, on a un peu été choquées. […] Donc on s’est dit qu’on allait faire un projet qui nous ressemblait, qui était vraiment raccord avec nos valeurs. » Coop en création artistique et artisanat

Tout construire ensemble et apprendre à se faire confiance

Dans de nombreux cas, le collectif de démarrage est le plus horizontal possible. La petite taille du collectif facilite ce mode. Toutes les personnes sont impliquées dans tout, des détails opérationnels aux dimensions stratégiques. On parle et on fait tout ensemble; on prend les décisions de manière consensuelle. On se rencontre régulièrement, car tout est à créer.

« On est juste 3 membres, on est toutes les 3 décisionnaires à parts égales. On fait des réunions chaque semaine, on décide de tout, toutes les 3 ensemble. » Coop en création artistique et artisanat

« On faisait un CA à chaque lundi matin, c’était excessivement lourd. C’était comme une réunion d’équipe, où on discutait vraiment de plein d’affaires, ça prenait des heures. […] Mais c’était surtout pour aligner nos visions de développement et de fonctionnement du travail. […] Graduellement tous les grands débats avaient été évacués, les questions avaient été débattues, donc la pertinence de ces grandes réunions et la fréquence diminuent avec le temps. » Coop en construction

De fil en aiguille, les personnes réussissent à dépasser ce mode très intensif d’implication (souvent bénévole, de surcroit) en apprenant à se connaître et à reconnaître leurs forces, faiblesses et intérêts. La confiance se développe et, de manière informelle, des rôles sont attribués selon les profils de chacun·e :

« Ça marche bien parce qu’on est très complémentaires. Chaque membre a des rôles attitrés, en fonction de nos forces et de ce qu’on a envie de faire surtout. […] Des fois on joue le rôle de l’autre parce qu’on a envie d’apprendre quelque chose de nouveau, de sortir de notre zone de confort et de contrôle. […] Mais on a quand même nos caractères qui sont là, et on s’aperçoit qu’on n’est pas forcément bonnes pour le rôle de l’autre. » Coop en création artistique et artisanat

« On a pris un an et demi pour fonder la coop, on a fait beaucoup de travail ensemble. On s’est vu presque à chaque semaine. Donc ça nous a donné la chance de se connaître et de bâtir ces liens de confiance. » Coop en architecture, design et aménagement

Il est possible de rester un certain temps à cette étape, car il est difficile d’intégrer de nouvelles personnes membres dans le projet et dans l’équilibre en construction. Des coops ressentiront le besoin de recruter des employé·es pour développer le volet entreprise, tandis que d’autres choisiront très prudemment le profil des futur·es membres :

« Quand je me suis associée à la deuxième pigiste, c’était comme un mariage. […] Après ça, on s’est mariées avec la troisième membre, et pour moi c’était gros. […] Au début je disais aux filles : on est une coop, mais on va rester trois. […] Là, la réflexion s’est comme modifiée avec le temps, mais il faut se donner le temps aussi de découvrir quelqu’un. » Coop en communication et design

Du flou dans la structure et beaucoup d’expérimentation

En plus d’apprendre à travailler ensemble en fondant une entreprise, on doit aussi s’approprier le fonctionnement coopératif et ses instances. La distinction entre ce qui relève de la gestion (opérationnelle) et de la gouvernance (plus stratégique) n’est pas toujours claire. En effet, en collectif de démarrage, on a tendance à décider de tout, tous et toutes ensemble. Des coopératives plus expérimentées se remémorent cette période et le flou vécu :

« On n’était pas beaucoup. C’étaient toujours les mêmes personnes. Ça arrivait souvent qu’on mélangeait ce qu’on parlait en CA, en rencontre de gestion, et en AG. » Coop en communication et design

« Mais c’était un peu une création collective, on discutait des détails en groupe. Le CA parlait vraiment des petits, petits, petits détails à chaque fois.» Coop en média et production vidéo

« Quand je suis arrivée, le mode d’organisation était extrêmement désorganisé. Ça restait vraiment un projet. C’était extrêmement bric-à-brac. […] Donc on a vraiment beaucoup travaillé à structurer ça. On continue à être un peu en mode de construction, mais on a essayé vraiment petit à petit de construire le véhicule parce que je pense qu’on avait juste les pièces. » Coop en architecture, design et aménagement

Cela nous ramène à cette idée d’expérimentation, pleinement vécue par le collectif de création, et la recherche du modèle le plus adapté à sa réalité propre :

« J’ai l’impression qu’il y a beaucoup d’expérimentation dans un projet organisationnel comme celui-ci, qui se vit au quotidien, qui se vit à court, moyen et long terme, avec des nouveaux acteurs. Donc il faut se laisser le temps et la place d’expérimenter, de développer, de se casser le nez parfois, mais d’en tirer des bonnes leçons et de se dire : « OK, on a essayé cette avenue, on va en essayer une autre, on ne connaît pas tout, mais on va apprendre ensemble… ». Donc c’est se laisser cette marge d’erreur qui ouvre le champ des possibles. » Coop en service conseil

« Nous, je pense qu’on cherche un modèle qui s’adapte à nous. […] Et ce qui est beau là-dedans, c’est qu’il y a beaucoup de liberté. Je pense qu’on peut faire quelque chose qui s’adapte à nous parce qu’on a cette liberté de se gérer nous-même. » Coop en communication et design

Des images pour illustrer la gestion et la gouvernance en collectif de démarrage

Une image peut valoir mille mots! Nous avons demandé aux personnes participant à la recherche de nous résumer en un mot, une image, ce à quoi elles associent la gestion et la gouvernance en mode collectif de démarrage. Voici ce que ces personnes ont exprimé :

Une image pour la gestion :

« Moi j’avais noté fluide. […] Autant à l’intérieur de l’équipe, qu’à l’intérieur des décisions de prendre ou non un mandat. On fait juste ce qui nous tente. Et j’avais aussi noté plaisir, parce qu’on est des grandes amies, qu’on a beaucoup de plaisir à travailler ensemble, puis ça transparaît dans ce qu’on fait. » Coop en communication et design

« Le premier mot qui me vient, ce serait complémentarité. Parce qu’on a vraiment la chance d’être 3 personnes très différentes, mais très complémentaires dans nos caractères, dans nos forces, nos compétences. Ça en prend une pour aider l’autre et ça prend la 3e pour aider la 2e. Et aussi plaisir parce qu’on a du fun. On fait ce qu’on aime, avec des gens qu’on aime, alors c’est quand même chouette. » Coop en création artistique et artisanat.

« Je dirais apprentissage. On a eu des apprentissages. Je pense qu’on a vraiment une force, et l’union fait la force et c’est ça un peu la coop. De tout mettre ça ensemble, on en apprend tous les jours. Puis tu sais, je dirais qu’on apprend plus par la pratique que par la théorie. » Coop en communication et design

« Le mot ça serait octopus. On se donne chacun des rôles, mais finalement c’est la versatilité ou la polyvalence qui nous permet de fonctionner. » Coop en services-conseils

Une image pour la gouvernance :

« Je dirais que c’est bienveillant. Je pense que le but de la gouvernance c’est que tout le monde soit bien dans son environnement. Le but du projet c’est qu’on soit toutes bien dans notre travail. Donc c’est d’incarner la bienveillance, s’assurer que ce soit un bien commun de tous les membres. » Coop en communication et design

« Je dirais que c’est un peu difficile de dissocier la vie de la coopérative du travail au quotidien. Mais, j’étais encore dans ce fluide, doux. Il y a comme une douceur dans notre façon de gérer la coop, dans les prises de décision. » Coop en communication et design

« C’est deux mots très dichotomiques, mais je dirais à la fois unicité, mais aussi lourdeur. La gouvernance d’une coop c’est quand même lourd, même en étant trois, toutes les exigences autour du CA, AGA, rapport au ministère. » Coop en services-conseils

Les conseils des coops en collectif de démarrage et celles plus expérimentées

À la fin de chaque entretien, nous avons demandé aux personnes de partager avec nous leurs conseils pour d’autres coopératives. Dans certains cas, les conseils ont été très liés au modèle choisi. Dans d’autres, les témoignages sont applicables peu importe le modèle. Nous regroupons ici des conseils de personnes vivant la phase du collectif de démarrage, mais aussi ceux d’autres personnes qui se remémorent cette étape :

Bâtir la confiance

« Il faut partir avec des personnes que vous connaissez et en qui vous avez confiance. C’était vraiment la base. Et effectivement, si on a la connaissance de l’autre et la confiance, ça marche. » Coop en création artistique et artisanat

« Il y a vraiment une démarche sur ce qu’on appelle les piliers de la confiance. C’est un peu comme une chaise, s’il manque un pied, ça se pète la gueule. Donc il y a des choses à tester, dans les relations des humains autant que les attentes, que les résultats. Donc prenez ce temps de vous tester parce qu’il faut que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. » Coop en services-conseil

S’assurer d’aligner les visions et les valeurs

« C’est d’y aller graduellement, puis de ne pas ménager les efforts au départ pour aligner les visions. Parce que ces efforts, s’ils ne sont pas mis dès le départ, les dégâts peuvent être vraiment exponentiels par rapport à l’énergie qui n’a pas été mise. […] Je parle d’expérience. Il y a eu des scissions par rapport justement à des fonctionnements qui étaient différents ou des visions différentes qui n’ont pas été assez explorées au départ. » Coop en construction

« Si j’avais un conseil à donner à quelqu’un qui veut partir une coop, je pourrais dire que c’est beaucoup de travail une coop. […] C’est important d’avoir des gens qui sont alignés sur les mêmes valeurs que nous, qui ont les mêmes ambitions, pour que la charge de travail soit bien répartie. Si la charge n’est pas bien répartie, qu’il y a des passagers clandestins qui viennent juste profiter du succès de la coop sans s’impliquer en gestion, ça surcharge d’autres membres. » Coop en santé et bien-être

« Je dirais partager la vision du projet avec les personnes qui vous accompagnent. Elle peut évoluer, le projet initial peut naturellement être amené à évoluer. […] Mais il faut constamment s’assurer qu’on est tous à la même page, que le train n’oublie pas des passagers en arrière, ou qu’il ne prenne pas une direction qui n’est pas entendue par l’ensemble du groupe. » Coop en services-conseils

S’adapter au groupe et expérimenter

« Dans le fonctionnement, il faut vraiment y aller avec le groupe qui est là. C’est le groupe qui décide si c’est plus en coordination, en direction, en autogestion. Je ne pense pas qu’il y a un modèle qui est meilleur qu’un autre. Ce sont les gens qui sont là qui décident ce qui convient mieux selon la personnalité, l’organisation… » Coop en commerce, restauration, hôtellerie

« Je pense qu’il faut vraiment que cette structure soit malléable et qu’elle s’adapte aux personnes qui sont présentes. […] Ce n’est pas le noir ou blanc. […] Mais je pense que ça prend du temps aussi et il faut expérimenter et laisser de la place pour améliorer les choses ou remettre en question le modèle décisionnel. C’est une bonne affaire aussi. » Coop en brasserie

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